Monsieur le Président,
Vous avez décidé à la veille du sommet de l’OTAN des 4 et 5 septembre 2014 d’annoncer un report de la livraison des navires de classe Mistral à la Russie.
En tant que Français de convictions diverses mais tous passionnément attachés à leur pays, nous croyons devoir vous faire part de notre préoccupation et de notre profonde consternation à la suite de cette annonce. Elle fait suite à une série d’événements qui à force d’enflammer les esprits ont brouillé certains repères. A fin de clarifications voici les motifs à l’origine de notre désaccord et qui nous poussent à vous écrire :
– les accusations portées contre la Russie sur un engagement militaire direct dans l’Est de l’Ukraine ne s’appuient sur aucune preuve formelle publiée, et n’ont jusqu’à présent pas été confirmées par l’OSCE. Ces accusations occultent le fait que l’on est bien en présence d’une insurrection et que le gouvernement ukrainien y a répondu par un usage de la force et de la violence clairement disproportionné ;
– quand bien même on voudrait se ranger du côté des plus soupçonneux, les dernières informations relayées par la presse font état d’une présence russe supposée de l’ordre de 1000 hommes ! Avant de prendre une décision si lourde de conséquence il conviendrait de soulever la question de savoir ce qu’il en est des forces étrangères dans le camp opposé, ce qu’il en est du rôle que les unes et les autres ont réellement joué dans le déroulement des événements et d’exposer en détail le résultat de cette analyse pour dépassionner le débat. En tout état de cause, cela ne remet pas en question le caractère insurrectionnel des opérations et l’urgence à favoriser tout ce qui peut concourir à un plan de paix ;
– il n’est pas acceptable que des états exercent une pression sur la France, état souverain, ni que la France cède pour des raisons d’opportunité et non de principe ;
– on attend toujours en vain plus de lumière sur d’autres dossiers connexes comme les snipers de Maidan, le massacre d’Odessa, le vol MH 17 et plus récemment la mort du journaliste Andrei Stenine.
Votre déclaration vient à l’encontre de déclarations précédentes et qui assuraient la constance de la
position française. Elle pose donc le problème de la signature de la France. Ce revirement de position causera un tort durable à la crédibilité de notre diplomatie alors même que son rôle pourrait être celui d’un apaisement dans la crise ukrainienne. C’est faire le jeu de ceux qui ne veulent pas de plan de paix.
Une suspension de la livraison des navires aura un impact immédiat désastreux sur l’économie et l’emploi en France, bien au-delà de ce seul contrat. A plus long terme elle aura des conséquences sur la crédibilité de l’industrie française en général. Ceci vient en contradiction flagrante avec les déclarations qui disent vouloir soutenir la “compétitivité” de notre industrie.
Nous comprenons fort bien que dans le contexte géopolitique récent le contrat dont il est question ait été cause de pressions particulièrement fortes de la part de ceux qui se disent nos alliés. Mais il est douteux que céder au chantage soit de nature à alléger ces pressions.
Seule une déclaration forte et rapide avec un engagement ferme de livrer les navires pourra réparer
ce que votre dernière déclaration a endommagé. Et seul le courage dont il vous faudra faire preuve pour cette déclaration pourra rassembler autour de lui un soutien large dont le notre, et ce quelles que soit nos opinions politiques particulières. L’enjeu dont il est question dépasse les querelles partisanes. Nous en sommes conscients. Nous espérons que cela est votre cas.
Dans l’attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre profond respect.
Le 18 septembre 2014
Cette lettre est fruit de l’initiative d’un groupe de résidents en Russie.
Les signataires en sont :
Véronique Barré née à Chemillé
Jean-Stéphane Betton né à Angers
Pauline Betton née à Cholet
Guillaume Brouwet né à Suresnes
Richard Clément né à Mâcon
Hélène Clément-Pitiot née à Graissessac
Tanguy Dairaine né à Harfleur
Stéphane Dupille né à Dijon
Olga Dupille Fokina née à Roslav
Nicolas Freal né à Reims
Guillaume Haushalter né à Paris
Dorothée Haushalter née à Lyon
Patrick Hoffmann né à Creutzwald
Guillaume Le Jolis né à La Roche sur Yon
Marc Moreau né à Neuily sur Seine
Frédéric Naud né à Fontenay le Comte
Georges Polinsky né à Roubaix
Aurélie Pollet née à Grande Synthe
Béatrice Pollet née à Tourcoing
Pedro Maria Rubio né à Algesiras
Jean-Luc Trognon né à Joigny
Quentin Vaganay né à Longjumeau
Julien Vaglienti né à Castres
Ayant eu connaissance du projet, plusieurs personnes ont souhaité s’associer à la démarche et la liste a été ouverte aux signataires non résidents en Russie. Les premiers signataires de ce groupe sont :
Gilles Ardinat né à Brest
Alain Chevalier né à Marseille
Marie-Françoise Clément née à Mâcon
Amaury de Chomereau né à Paris
Jacques Dubois né à Paris
Stéphanie Flodrops né à Toulouse
Aude George née à Sèvres
Christelle George née à Paris
André Golovanoff né à Montargis
Jean Gravelier né à Cenon
Jean-Claude le Guern né à Jaegersburg
Isabelle Michot née à Mâcon
Alain Mignet né à Sainte Loubes
Galina Polinsky née à Norilsk
Jacques Sapir né à Puteaux
Emmanuelle Vanderbeken née à Roubaix
Photo: le navire “Vladivostok”, premier des deux Mistral commandés par la Russie, à Saint-Nazaire. Crédit: Maxime Tchikine